Je m’appelle Safae, je suis artiste plasticienne, dessinatrice, illustratrice. Ma pratique est aujourd’hui centrée principalement sur celle du dessin au crayon de couleurs.

Je suis fascinée par les forces de la nature. “Ce qui est invisible, qui transforme, protège et met en mouvement.” Cette phrase, c’est la définition que j’ai apprise du “Qi” pendant ma formation en médecine traditionnelle chinoise. C’est aussi ce qu’on appelle “Prana” en Yoga, “Ruh” en islam, “Pneuma” dans la Grèce antique ; ces forces ont un nom dans chaque tradition religieuse, puisque donner un nom permet de les figer, figer un concept qui, par essence, est difficilement saisissable.

Elles sont celles qui meuvent absolument tout ce que nous vivons dans notre expérience humaine. Elles régulent notre santé, nos sensations physiques, nos émotions, notre volonté ; mais aussi nos écrans mentaux : nos rêves, nos souvenirs, nos visions, leurs rythmes, leurs tons.

Elles orchestrent le temps qu’il fait, la danse des éléments ; et font croître la graine en fleur, l’embryon en humain ; elles sont maîtresses du principe de métamorphose.

Et elles tissent du lien. Elles font tomber les humains en amour entre eux, en affection à des animaux, en rêverie face à des lacs… Elles synchronisent la lune et l’océan, les arbres et la pluie, les abeilles et le pollen… Elles maintiennent une connexion entre notre corps, nos émotions, notre esprit… Ces forces invisibles assurent une continuité entre tout ce qui existe.

Ce travail de l’invisible, je veux le comprendre, le sentir, me l’approprier, l’incarner dans ma pratique.

Le dessin au crayon, c’est une pratique lente qui prend beaucoup de temps ; la mienne se fait trait par trait, une transe se met en place, me décale du mental et m’envoie en voyage profond dans mes sensations physiques, qui me font elles-mêmes rebondir dans mes mondes intérieurs.

De ces voyages intérieurs émergent des formes hybrides, à la fois familières et énigmatiques, qui oscillent entre l’organique et l’imaginaire. Mes dessins sont des passages : ils accueillent des êtres composites, mi-animaux mi-végétaux, et des paysages aux contours incertains. C’est un langage visuel qui raconte le vivant dans son éternelle transformation.